Dilma Rousseff. Le Brésil qui résiste
Ceux qui imaginent Dilma Rousseff saisie par le découragement se trompent lourdement. C’est ce qu’elle a démontré, mercredi soir, répondant à l’invitation de l’IRIS (Institut des relations Internationales et stratégiques), à Paris. L’ancienne présidente du Brésil a été destituée, au terme de ce qu’elle qualifie de « coup d’État parlementaire ». Celui auquel elle avait succédé, le légendaire Lula, est toujours derrière les barreaux. Une condamnation à quinze ans de prison lui a interdit de se présenter à la récente élection présidentielle dont il était le grand favori. C’est ainsi que Jair Bolsonaro est devenu président de la République fédérale du Brésil. Constatant, la « régression sociale, stratégique et diplomatique » du pays, Pascal Boniface, le directeur de l’IRIS, s’inquiète : « L’étoile du Brésil pâlit dans le monde ».
Une jeune démocratie
Comment en est-on arrivé là et que peut-il maintenant advenir, ce sont ces deux « processus » que Dilma Rousseff a voulu expliquer. « Nous sommes une démocratie encore jeune et fragile », rappelle-t-elle d’abord. En effet, les militaires, après un coup d’État, en 1964, ont imposé leur dictature pendant plus de vingt ans. « C’est une démocratie négociée par l’élite », qui s’impose en 1985.
Pour cette élite, l’élection de Lula, leader charismatique du PT (Parti des Travailleurs) est un coup de tonnerre. Sa réussite politique doit beaucoup à ce qu’il a su tenir ses promesses aux plus pauvres – avec les bourses aux familles, le programme « ma maison, ma vie », l’effort sur l’éducation, la protection des indigènes, etc., 36 millions de brésiliens sortant alors de la misère extrême – tout en assurant le développement économique du pays, avec l’appui des puissantes compagnies nationales, tel le pétrolier Pétrobras. C’est ce qui vaut au Brésil, qui a remboursé dès 2005 les encours du FMI, d’être épargné par la crise financière de 2008.
Opération lavage express
« C’est alors », raconte Dilma Rousseff, qu’intervient « l’offensive de l’oligarchie adepte de l’ultra libéralisme. Je suis l’acte inaugural du processus. J’étais élue depuis six mois que j’avais fait l’objet de 16 demandes de destitutions parlementaires, bruyamment orchestrées par les médias ».
« Son ordre, c’est le chaos »
La justice brésilienne, elle, lance l’opération lavage express. Elle vise le PT mais ne peut épargner les leaders de la droite traditionnelle qui se sont installés au pouvoir. La voie est libérée pour Bolsonaro, l’inconnu soudain providentiel. « Je dois détruire beaucoup avant de construire », proclame-t-il. « Son ordre, c’est le chaos », résume Dilma Rousseff. « Généralisation du port d’arme, libre cours aux milices paramilitaires, saccage de l’Amazonie, faillite de la démocratie ».
L’importance de la solidarité internationale
Reste la solidarité internationale. « Vous sous-estimez votre importance », dit Dilma Rousseff à ses interlocuteurs français. Et la capacité à reconstituer, au Brésil, un Front démocratique. Elle est déterminée mais ne se berce pas d’illusions. « Nous menons une lutte à moyen-long terme. Le Brésil a mis 21 ans pour digérer les ravages de la dictature militaire. Notre pays garde dans ses placards une série de fantômes ».
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