Faute de preuves, la police fédérale jongle pour pouvoir inculper Lula
La police fédérale a passé plus de quatre ans à enquêter sur LILS, la société de conférences de l’ancien président Lula et l’institut qui porte son nom. Ni les données obtenues par l’analyse d’experts, ni la violation du secret bancaire, fiscal et télématique de nombreuses personnes liées au chef du Parti des Travailleurs, entre autres moyens, n’ont été suffisants pour prouver matériellement une quelconque irrégularité.
Mais comme il est apparemment interdit de s’en prendre à Lava Jato à Curitiba, le délégué de la Police Fédérale Dante Perorago a trouvé une astuce pour inculper Lula: utiliser des allégations de Odebrecht sujettes à caution et suspectes, qui font déjà l’objet d’une procédure pénale en cours.
Même la peine prononcée par Sergio Moro dans l’affaire du triplex a été utilisée pour combler le manque d’éléments susceptibles d’incriminer les conférences et les dons à l’Institut, dans le rapport de 130 pages que la Police Fédérale a présenté au groupe de travail dirigé par Deltan Dallagnol en décembre 2019.
À cette occasion, alors que la grande presse créait un scandale à partir d’un nouvel acte d’accusation contre Lula, le Jornal GGN a signalé que les accusations lancées dans le vent dépendaient de preuves non encore produites – et le délégué lui-même l’admet dans un document ignoré par la presse.
Aujourd’hui, le blog expose le contenu de 130 pages des «archives Pegoraro».
Investigation sélective et partialité des accusations
L’enquête close par la Police Fédérale a été ouverte en 2015 par le député Marcio Adriano Anselmo – qui travaille à Brasilia depuis la promotion de Sergio Moro au poste de ministre de Jair Bolsonaro.
L’enquête a été motivée par le simple fait que les sociétés examinées dans l’affaire Petrobras-Odebrecht, Camargo Corrêa, UTC, Queiroz Galvao, Andrade Gutierrez et OEA – ont payé des conférences qui ont effectivement été organisées ou données à l’Institut Lula.
Deux remarques à ce sujet:
Premièrement, les entrepreneurs ont fait de même pour d’autres instituts, y compris celui de l’ancien président Fernando Henrique Cardoso (PSDB), mais Lava Jato voulait seulement fouiller ce qui concernait Lula.
Deuxièmement, l’enquête qui a commencé avec des données collectées auprès des entreprises examinées par Lava Jato, montre comment le groupe de travail s’avance sur des questions initialement hors de sa compétence.
De toutes façons les conférences et les dons de l’Institut Lula étaient en 2015 des relations commerciales entre des entreprises privées, sans lien évident avec la compagnie pétrolière.
L’histoire qui relie Lula aux contrats avec Petrobras a été créée au cours du procès, pour justifier la juridiction de Curitiba.
Le rapport de Pegoraro est divisé en deux parties.
La première, sur l’investigation de LILS, qui n’est pas née d’une découverte de preuves de crime. Au contraire, l’enquête a été ouverte précisément pour rechercher toute irrégularité contre Lula.
Après plusieurs expertises, l’enquête a pu montrer que les entreprises de Lava Jato avaient investi 9,3 millions de reais dans des conférences de Lula.
Puis, lorsqu’aucune illégalité n’a été détectée dans ces contrats, la Police Fédérale a élargi la portée de l’enquête et procédé à l’analyse des conférences sooutenues par des sociétés non liées à Petrobras. Le résultat, comme le souligne le rapport, est tout aussi frustrant.
Contrairement à ce qui a été diffusé dans les médias ces dernières années, la Police Fédérale a conclu en 2019 qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments pour incriminer les conférences de Lula ou les transférer aux partenaires de LILS.
“Enfin, comme indiqué, compte tenu de la finalité spécifique des conférences données par l’ancien président de la République, nous n’entrevoyons pas, isolément, la configuration du délit.”
Mais Pegoraro a fait une mise en garde, espérant qu’une délation bien subtile pourrait émerger à l’avenir et changer le cours de l’histoire:
“Cependant, cela n’empêche pas des conclusions spécifiques de démontrer que l’engagement de toute conférence elle-même, et / ou conjointement avec d’autres objectifs secondaires, et l’allocation respective des ressources, peuvent constituer la pratique de conduite caractérisée.”
Institut Lula et Odebrecht
Les relations des entrepreneurs de Lava Jato avec l’Institut Lula ont été analysées dans la deuxième partie du rapport.
C’est là que commence le tour de passe-passe de la Police Fédérale pour mettre en cause Lula.
Après avoir convoqué les entreprises l’une après l’autre, le délégué a admis qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments pour incriminer les dons à l’Institut Lula.
Même Leo Pinheiro de l’OEA, qui est le principal responsable de la condamnation de Lula dans l’affaire du triplex, a fait savoir que «ni les paiements de la conférence ni les dons à l’Institut Lula ne reposaient sur les règlements du un pour cent des travaux de Petrobras».
Mais une faille a été trouvée dans la dénonciation d’Odebrecht. Sauf que son utilisation par la Police Fédérale est controversée, car les soupçons évoqués dans le rapport sont liés à des faits jugés par la 13e Cour fédérale de Curitiba.
Pour l’exposé copié par Pegoraro, Antonio Palocci aurait demandé à Marcelo Odebrecht un don de 4 millions de dollars pour l’Institut Lula. Odebrecht, à son tour, aurait débité la valeur d’un compte fictif qu’il aurait détenu, suppose-t-on, en faveur du PT.
Que ce compte virtuel existe, ou que l’origine de ces ressources est vraiment illicite et liée à Petrobras, cela Lava Jato ne l’a jamais prouvé à ce jour. Mais pour le Police Fédérale, qui préfère sans vergogne rester dans le domaine des hypothèses, cela suffit à inculper Lula.
La lecture du rapport dans son intégralité indique que sans la dénonciation d’Odebrecht, le délégué Pegoraro n’aurait rien contre l’ancien président. Ce qu’il admet dans ce passage: «De simples dons du groupe Odebrecht à l’Institut Lula, pris isolément, seraient pénalement dénués de pertinence, comme cela a pu être le cas par le passé avec d’autres anciens présidents.»
La Police Fédérale a également tenté d’exploiter, dans le même rapport, d’autres soupçons à propos des entreprises des enfants de Lula, qui fournissaient des services à l’Institut. Mais Pegoraro a également reconnu qu’il n’avait aucune preuve pour nier ou prétendre à l’existence d’une infraction.
« Malgré certains soupçons selon lesquels les services fournis par G4 et FLEXBR pourraient avoir été trop chers, il n’est pas possible d’affirmer cela sans une expertise détaillée concernant tous les aspects du travail effectué, leur volume, leur complexité et le temps requis. »
L’action pénale citée par Pegoraro dans le nouvel acte d’accusation est celle du 5063130-17.2016.404.7000, qui concerne l’achat par Odebrecht d’un terrain qui n’a jamais été utilisé par l’Institut Lula.
Dans le même processus, Lava Jato soutient que l’entrepreneur a été impliqué dans l’achat d’un appartement voisin à celui que l’ancien président possède à Sao Bernardo do Campo.
Le GGN a déjà montré que le propriétaire de l’appartement, Glauco da Costamarques, avait décidé de collaborer avec Lava Jato, notamment en modifiant des témoignages pour impliquer Lula, après que l’affaire de ses enfants ait été prise pour cible par les autorités.
L’intégralité du rapport, pour qui veut vérifier la combine dans l’accusation de Lula, est disponible en ligne.
Jornal GGN | Traduction: Francis GAST