Luiz Inácio Lula da Silva: Je veux laver mon nom pour que le brésilien retrouve la confiance dans son gouvernement
En avril dernier, mes opposants politiques ont fait la fête quand, après un procès extrêmement partisan et tendancieux, j’ai été envoyé à la ville de Curitiba, dans le sud du Brésil, pour y purger une peine de prison illégitime.
Ils espéraient écraser mon esprit et m’effacer de la carte politique. Mais l’expérience n’a fait que revigorer et renforcer mon engagement – et je me sens maintenant prêt à faire face aux problèmes du Brésil et à contribuer à un monde meilleur pour la majorité, et pas seulement pour quelques privilégiés.
Les 580 jours que j’ai passés en prison, pratiquement à l’isolement, se sont révélés être les plus transformateurs de ma vie politique. Depuis ma cellule, je pouvais contempler en profondeur les problèmes que notre société affronte.
La partie la plus difficile à supporter dans cette détention illégale a été d’être empêché de participer à la campagne pour l’élection présidentielle de l’an dernier. Il est certain que le président brésilien actuel, Jair Bolsonaro, a du mal à admettre qu’il ne m’aurait pas battu lors de cette élection sans l’intervention de l’ancien juge Sergio Moro, actuellement ministre de la Justice.
Des juristes, des avocats et des spécialistes du monde entier ont été surpris par la partialité de mon jugement. Le Brésil a même ignoré la demande du Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies pour que je puisse présenter ma candidature jusqu’à ce que mes “appels devant les tribunaux soient conclus dans le cadre d’une procédure judiciaire équitable”.
En tant que président du Brésil, j’ai introduit de vastes réformes pour permettre aux agences fédérales de lutter contre le crime organisé et la corruption. Malheureusement, pour notre pays, des individus ont détourné le système judiciaire pour tenter d’affaiblir et d’éliminer les opposants politiques. Une enquête connue sous le nom d’Opération Lava Jato – dirigée par le juge Moro – est devenue, derrière le prétexte de poursuivre les corrompus, l’élément moteur pour manipuler notre processus démocratique.
La motivation politique de mes accusateurs et les abus de droit commis ne sauraient être ignorés. En juillet 2016, mon équipe et moi-même avons signalé des violations graves de mes droits fondamentaux au Comité des Droits de l’Homme.
Tout au long de cette farce judiciaire, mes avocats ont prouvé que je n’étais pas coupable, avec tous les documents relatifs à mon innocence. Ils ont également mis en évidence les actions coordonnées contre moi en matière de droit, afin de me délégitimer en essayant d’utiliser des recours juridiques. À quelques exceptions près, la plupart des médias brésiliens ont choisi d’ignorer ces faits. Ce n’est qu’en juin que la vérité a commencé à émerger avec la publication par le site Intercept Brazil, d’une enquête faisant apparaître une collusion entre procureurs et juges. Ces révélations ont ébranlé les Brésiliens et le monde entier, car elles montraient qu’un effort de lutte contre la corruption qu’on avait acclamé avait été politisé, contaminé et source d’actions illégales.
Bolsonaro a récompensé Moro lorsqu’il l’a nommé ministre. Cette nomination n’était pas une surprise pour moi: cela prouvait simplement ce que mon équipe juridique et moi-même disions tout le temps, à savoir que Moro était partial et abusait de la loi pour ses propres fins politiques.
Les actions de Moro dans la conduite de mon procès dans le cadre du Lava Jato ont gravement nui au Brésil. Lui et Bolsonaro doivent assumer la responsabilité politique et juridique de leurs actes. Les États-Unis sont également responsables à propos desquels nous nous interrogeons sur la coopération tout à fait anormale du ministère de la Justice et d’autres agences policières avec Moro et le Lava Jato. Des membres du Congrès américain ont exprimé leur inquiétude à ce sujet mais n’ont pas encore reçu de réponse du gouvernement du président Trump.
Personne ne devrait être au-dessus des lois, mais la loi devrait s’appliquer à tout le monde de la même manière. Je n’ai jamais rien demandé de spécial, juste un traitement juste, impartial et indépendant en vertu de la loi. C’est pourquoi je continuerai à lutter vigoureusement pour laver mon nom d’attaques partisanes. Ma récente libération ne marque pas la fin de la bataille juridique, mais bien le début.
Parallèlement à ma lutte juridique, je définirai un agenda politique positif pour l’avenir du Brésil. Mon rôle est d’aider à unir les gens, comme je l’ai toujours fait, dans notre société de plus en plus fragmentée et polarisée. L’objectif central est d’aider les Brésiliens à retrouver la confiance dans nos institutions politiques et juridiques.
Dans le Brésil que je souhaite aider à reconstruire, les droits humains et légaux, y compris ceux de mes opposants politiques, seront protégés et renforcés. C’est un signe de démocratie forte lorsque chaque citoyen peut être fier et avoir confiance en la force de ses institutions.
The Washington Post | Traduit par Francis Gast. Révision: Marc Cabioch.