29 juillet 2019
Photo: Jamil Chade

Genève – Le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU ne prendra une décision sur l’ancien président Luiz Inácio da Silva qu’en 2020. Celui qui révèle cette information est le vice-président de l’organisme, Yuval Shany, qui indique que, dans la liste des cas traités au deuxième semestre de l’année, n’apparaît pas celui de l’ancien président.

Le Comité se réunit seulement trois fois par an pour évaluer les cas individuels et les cas de pays. Mais, avec une liste de plus de 500 plaintes devant être étudiées, l’attente d’un résultat peut prendre des années.

La prochaine réunion de l’organisme aura lieu en octobre. Mais son vice-président a révélé qu’il a déjà les noms des affaires qui seront traitées et que celle de Lula n’en fait pas partie. En pratique, cela veut dire que son cas ne serait traité qu’en mars 2020.

Le cas de Lula a été présenté au Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies en juillet 2016 et, malgré la longue procédure, la défense de l’ancien président a déjà obtenu quelques résultats favorables. La plainte centrale était que l’alors juge fédéral Sergio Moro aurait agi en connivence avec les procureurs lors du jugement de l’ancien président. En octobre de cette année-là, les équipes légales de l’ONU ont accepté de démarrer l’examen.

Vers mi-août 2018, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU a accordé des mesures de protection et a sollicité aux autorités brésiliennes qu’elles maintiennent les droits politiques de Lula jusqu’à ce que son cas soit évalué par le STF (NdT : la Cour Suprême Fédérale] et que le fonds de l’affaire soit traité à Genève. Néanmoins, l’organisme formé par 18 experts indépendants n’a pas répondu à la demande selon laquelle l’ancien président devrait être libéré et n’a donné aucune garantie que ça serait la conclusion de son travail.

Sur le moment, le Comité a fait savoir que, en demandant des mesures de protection, l’organisme n’était pas en train de prononcer un pré-jugement sur une éventuelle innocence ou non de Lula. Mais il opté pour harmoniser le processus et pour évaluer, en même temps, l’admission du cas et ses tenants et aboutissants.

Le gouvernement s’est limité à considérer que la décision n’avait aucun pouvoir contraignant et n’a pas répondu à la demande du Comité. Mais, confronté au début de la prise en considération de l’affaire, le gouvernement a été obligé à présenter son argumentation en novembre 2018.

Affaire accélérée
Si officiellement Lula n’apparaît pas dans la liste des affaires traitées en 2019, tous les espoirs de la défense ne sont pas perdus. Les avocats ont présenté une nouvelle pétition au Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, une pétition dans laquelle ils demandent que l’évaluation du cas soit accélérée et indiquant que seront présentées les conversations et messages “piratées” entre le ministre de la Justice, Sérgio Moro, et des membres de l’opération Lavage Express.

Le matériel publié par le site The Intercept renforcerait, selon les avocats, la plainte centrale contre l’alors juge responsable pour la condamnation de l’ancien président.

Dans une lettre du 27 juin, les avocats de Lula indiquent que les documents qu’ils allaient soumettre seraient des “preuves indiscutables” des violations de droit supposément commises contre l’ancien président. La lettre est signée par les avocats Valeska Teixeira, Zanin Martins, Cristiano Zanin Martins et Geoffrey Robertson.

Le blog détermine que les conversations publiées par le site The Intercept seraient seulement une partie du matériel nouveau qui serait remis à l’ONU.

Dans cette lettre, les avocats demandaient en outre au Comité d’accélérer l’évaluation du cas de Lula. Comme argument: Lula était emprisonné, à cette date, depuis 446 jours “après un jugement injuste” et aussi en vue à son âge de 73 ans. La lettre dit: “Il est important de noter que Lula a déjà subi un dommage irréparable, considérant que l’état-partie (le Brésil) n’a pas respecté les mesures de protection stipulées par le Comité (de l’ONU) l’année dernière”.

À l’ONU, une affaire est classée “urgente” seulement si elle représente un dommage irréparable à l’auteur de la plainte. Ceci veut dire la peine de mort ou la déportation.

Mais il y a espoir que de nouvelles preuves et cette lettre sollicitant plus d’agilité dans le procès puissent encore sensibiliser les experts et changer l’échéancier.

Il y a quelques semaines, le rapporteur de l’ONU pour l’Indépendance du Pouvoir Judiciaire, Diego García-Sayán, a décrit les conversations entre le ministre de la Justice, Sérgio Moro, et le procureur Deltan Dallagnol comme étant “extrêmement préoccupantes”.

“L’information publiée remettrait en question un élément absolument essentiel dans les affaires juridiques en général, et dans les affaires pénales d’envergure en particulier, je veux dire les principes d’intégrité et de neutralité dans les décisions juridiques” a commenté le rapporteur de l’ONU.

“En fin de compte, où commencent les Droits Humains ? Dans des endroits insignifiants, près de chez soi – si près et si petits que l’on ne peut les voir sur aucune carte du monde. Cependant, ces mondes sont les mondes de l’individu; le voisinage dans lequel il vit; l’école ou l’Université qu’il fréquente; l’usine, la ferme ou le bureau où il travaille. Tels sont les endroits où chaque homme, femme et enfant cherche l’égalité de justice, l’égalité d’opportunité, l’égalité de dignité sans discrimination. Si ces droits n’ont aucun sens là, alors ils auront très peu de sens ailleurs. Sans l’action organisée du citoyen pour défendre ces droits près de chez soi, nous chercherons en vain le progrès dans le monde.” (Eleanor Roosevelt)

Blog do Jamil Chade | Traduit par Marc Cabioch.